quinze poètes roumains/ choisis par
dimitri tsepneag : stefan dimitri tsepeneag
c. 1990 E1ditions Belin - 2-
STEFAN AUGUSTIN DOINAS
par dimitri tsepeneag
Né en 1925 en Transylvanie. il étudie les lettres et la philosophie a Cluj. Pendant la guerre, il commence déjà à publier dans les revues. L' instauration du régime communiste le pousse vers la marge la vie littéraire. Encore un pas et il se retrouve en prison, pour omission de dénonciation : il refuse de témoigner contre un ami implique dans un mouvement de contestation qui faisait écho a la révolte hongroise de 1956.
Le "dégel", c'est a dire la déstalinastion relative et tardive, entamée à peine en 1963/ 1964, lui permet enfin de publier son premier volume Le livre des marées. Désormais il ne quitte plus la scène littéraire, ou il se montre actif et extrêmement fécons : L' homme au compas (1966) -- La lignée de Laokoon
(1967) -- Hypostases (1968 ) -- Alter Ego (1970) -- Les Chevaux sous la pluie (1974) -- La Saison discrète (1975) -- Hespéria (1979) -- La Chasse au faucon -- la Plume d' oie , etc. Le dernier volume paru -- La Faim de un (1988) est anthologique. Doinas passe en Roumanie pour un poète a la fois néo- classique et hermétisant. Sa grande maii^trise, sa rigueur prosodique semble parfois destinées à purifier les émotions trop fortes. Son lyrisme tend vers la conceptualisation.
Il faudrait également signaler certains de ses essais comme La Lanterne de Diogène , Poésie et mode poétique, Orphée et la tentation du réel. Et ne pas oublier non plus ses traductions : Holderlin, Mallarmée -- et , surtout, Valéry.
poèmes de Stefan Ausustin Doinas
HIÉROGLYPHE SPATIAL
C' était une malle posée au pied du mur,
un coffre en bois poli. Jamais on ne l' avait
ouvert : dedans, il n'y avait rien.
Sur la table, une fleur lentement se mourait
oubliée : ses pétales -- de l' or, de la jaunisse,
son parfum -- la fierte du pré, fanée,
Les enfants jouaient dans la maison,
ils courraient, tombaient, se cognaient sur la malle;
flottaient dans la lumière perdue de l' horizon.
Et l' espace restait lisse, impalpable.
Partage a moitié en idole et en dieu à moitié:
exposé à l' échange, dérobe à la jubilation.
UNE BALANCE D' ÉCUME
Sur la balance des pruniers, le soir,
intacte tu Étais, semblable À un coeur
dans la rosée,
Il approchait, il s' charnait, le taureau : front
délirant entre les cornes noires,
comme un bourdon enferme dans le tambour
de la noce;
et il tournoyait, il donnait des coups de cornes
dans la buée,
il tremblait dans son obscure exaltation
couverte de poils,
exaltation du feu gourmand de l' herbe,
il nous assourdissait sous le galop frénétique
des astres !
J' ai rêve. Peut être tout un siècle.
J' ai vu près du moulin
des libellules qui se désaltéraient dans les étangs ;
j' ai entendu sonner, ce n' était nulle part et partout,
de fragiles déstaillés dans l' os ; soudain
l' équilibre se défit; telle une tempe^te de neige
à travers les branches,
ton coeur m' emporta; on e^ut dit
un souffle lumineux dans les arts.
LE DISCOURS DU PASSEUR
À ce rivage, je t' arrache
Immobile, le fleuve
(je l'ái nommé, il existe donc maintenant! )
nous restitue à une espèce d' oiseaux de verre,
nous rend à la morose, première virginité.
O ! ce sera une promenade bizarre,
Tu vas nai^tre toi- même, totem d' une
bande de prophères en perruque.
" Jamais", " rien" et " vain"
seront tes fruits; et le repos sera
l' angoisse phosphorescente des choses.
Tu vas régner. Comme le tison dans l' eau,
tu seras le signe du mauvais oeil, ficelle
bourdonnait sous des surplis abstraits,
Allons, partons. Ces surplis, comme des
nimbes t' tattendent : pour te nier.
Une voyelle, sous la bouche, réduite en cendres,
c'est tout ce que je demande comme salaire.
Voilà : de l' autre co6te, le rivage commence
-- dans une langue étrangère -- à être.
LES PAUMES DE LA TÉLÉVISION
pausme I
òu l' on voit
comme dans un très profond lac de plaine
parmi les lentilles d' eau aux plaquettes
d'or verdatre
l' extrémité des essieux graciles
19 jewels guaranted autour desquelles
une errance liturgique frénésie minimale
des planètes à l' échelle réduire et à là vitesse
de l' époque sectionnent le plus continu
et les parasistes inévitables à l' instar
d' un bombardement destiné à un autre cosmos
et en haut au coin à droite dans un
médaillon la petite clé invisible
petite clé à l' abri des savants
le menu objet en principe sans empreintes
et ma voix bien timbrée qui dit
penchez vous sur ce mécanisme merveilleux
comme vous et rengorgez- vous maintenant
toute heure est votre heure exacte mais
aucune
le midi de l' Être
" instruisez -vous, juges de la terre"
pausme 2
où apparaissent
des mains lumineuses comme de petits,
d' agiles
animaux indépendants de mai^tre corps
animaux libérés de la tutelle
du coeur qui servait seulement le cerveau
des mains qui égrènent le fil des bobines
établissent des contacts des connexions
et branchent
des appareils sur des sources électriques
et les sources
sur des soleils hypothétiques des mains qui
se prolongent
avec des doigts délicats mais virils
dont l' ongle fin guette le momment
d' appuyer sur les claviers sur des boulons
des mains qui naissent et détruisent en délire
on agitant sur le monde le signe adieu
et ma voix consolatrice qui dit
soyez calmes écoutez un autre tic-tac
dans un gi^te d' herbe tendre repose
la bome toujours amorcée apocalyptique
et secrète est la patience de l' Être
" l' obscurité lui servait de couverture "
psaume 3
où s' envole
une fusée grand père-père fils trois fois se
défait de soi en se dérachant lentement
de la terre comme un message d' inquiète
joie balle de votre amour
comme une frivole nouvelle envoyée du néant
du plein d' ici bas comme un spasme lumineux
de la manière dans son diaphragme tourmenté
qui oscille entre vomissement et rire entre multiples
segments de noir bien collés sur du noir
quel lent développement à la lumière de Sirius
de votre histoire ! quelle mince pellicule !
que les yeux prudents lisent en négatif
et se demandent clignotant -- pour aller où ?
et ma voix comme un commandement criant
retournez toutes les rampes vers l' intérieur !
mourez pour renai^tre dans les fore^ts de l' âme
avec des houlettes pour séparer les mers nous voici
tous
en chemin vers l' Être
"une nuit en renseigne une autre sur Lui"
psaume 4
où à peine
maintenant en voyant la terre comme un fruit dérisoire
et son orbite comme une branche du soleil
et les soleils comme des puces sur l' iris bleu
de la nébuleuse et les nébuleuses en tourbillon
plasmas blancha^tres dans un vertige sans corps
et l' abscence criblée par des trous comme
une respiration -- mais de qui ? à peine maintenant
nous comprenons quelles menues explosions
nous font trembler quelle émission subliminaire
agresse sans que nous le sachions notre vue
quelle mesquine colère géométrique est
l' univers entier mais comme c' est difficile de détourner
le regard de ses poulies rouillées en forme de poire
et ma voix paternelle qui murmure
de terribles mesures opèrent dans la balance
et nos mains posées sur les deux plateaux
plomb et mort d' homme vérité et tremblement
léger
est seulement l' Être
" le plus fait le moins de celui qui est pur "
psaume 5
òu de bonne heure
pour qu' il n' y ait pas de doute sur le temps
qui revient toujours mais souvent à l' imprompru
on peut voir sous son apparente paresse
crispations concentrations moments de colère
une seconde comme délai de doraison pour le titteul
une minute de neuf mois comme ouvrage de l' utérus
méduse macrocephale spasmodiquement iriguée
menaces prononces dans la langue des comètes
traduites dans le dialecte terrien comme par exemple
l'imminente extinction du soleil -- tache
qui baisse graduellement lampe à l' huile sans huile
ombre silencieuse encore incrédible qui
pouratnt s' approche frappe à la porte
et ma voix l' anticipant qui dit
toutes les choses sont plus pressées qu' elle ne semblent
dans leur sans limites c' est la lanière qui est à l' oeuvre
et celui qui est capable de sortir de soi même
percoit
tout autour le siege
" avec toi je me rue sur les armees "
psaume 6
où alors
lorsque l' on tourne le bouton il perdent leur voix reelle
et les locomotives entrent et sorte en dragonale
de la chambre comme des coléoptères du soimmeil
et on voit le palais dans la bouche ouverte de la diva
des airs tombe un gland et un parachute
de nimbus s' élève mais on a n' entend rien
car en vérité tout est maudible
le cri du monde le geignement de l' existence
sont purement visuels plaisir de l' air
et la musique des sphères une fontaine de nombres
et d' équivalents à une partie diférente d' eux mêmes
chantent les foules infinies -- corrège nuptial
dont on vous présente seulemenr des séquences
et ma voix anneau de la bouche qui déperit
s' est elle rue la rumeur de l' Être pour pouvoir
la supporter en se cachant derrière des bouchons de cire
mais vous même vous n' êtes que
des voyelles pourchassées
pendant le terrible hurlement
" comme vase de potier tu les fracasseras "
pasume 7
où comme dans les livres
feuilletés au hasard et lus en corps de vent
les mésaventures de tous se mélangent dans ces pages
le passeport des martiens est expire l' espace
à cesse d' e^tre complexe du temps
ce des pharaons tiennent leurs règnes bien haut et leur nom
et des continents se lèvent d' un sobriquet
et des dinausures passent voici les mammouths et les ours
des idoles s' enterrent avec du sang et des iguanes
avec des fleurs
une pomme qui tombe divulge les lois des soleils
multiple le syrinx tonne dans les cathédrales
les criquets ont péri arrivent des essaims d' objectives
les nautoniers crient terre ! les armées thalassa ! thalassa!
et ma voix comme une vestale qui annonce
le feu est allumée dans l' âtre et l' eau est bénie
vous pouvez consulter les entrailles du baromètre
vous serez toujours tribu qui ne voit pas
mais qui crie
l' Être ! l' Être !
" car ma part d' héritage est le Seigneur "
POÈMES TRADUIT PAR PIERRE OSTER
& DIMITRIU TSPENEAG
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