ho xuan huong ou le voile dechire
par huu ngoc & francoise corrèze-
hanoi 1984 - 2
HUU NGỌC & FRANCOISE CORRÈZE
HO XUAN HUONG
OU LE VOILE DÉCHIRE
FLEUVE ROUGE
HANOI 1984
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Concubine...
Hồ xuân Hương fu^t successivement l'épouse seconde du prefet de Vĩnh tường * qui puis du chef de canton Cóc. Même concubine , elle du^t être heureuse avec le premier qu'elle aima profondément.
Le préfet de Vĩnh tường était un lettré qui s'adonnai^t à la poésie. La légende prétend qu'il connut Hồ xuân Hương alors qu'elle tenait une buvette de thé où les clients pratiquaient la joute poétique. Sans doute s' attacha-t-il à cette femme plus que son esprit que pour son visage ?
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* selon Trần Tường, le préfet de Vĩnh tường aurait vécu dans la première moitié du 19e siècle. Phạm viết Đại(1802- 1862) recu liciencé en 1842 était originaire du village de Trà lũ et aurait nommé préfet de Vĩnh tường en 1882, 4 mois avant sa mort. (Créative littéraire de la province de Nam Hà -- no du Tết 1974.)
** il a rempli dignement sa destinée d'homme.
La véracité de ce amour éclate dans l'élégie pour le préfet de Vĩnh tường :
O mon préfet, pour la vie, vous m'aviez quittée
Notre dette d'amour est entièrement acquitée
Littérature, honneurs les voici à trois pieds sous terre,
Arc et flèches sont dispersés aux quatre coins du ciel? **
Où donc le fléau de la balance au Créateur 'sest-il perdu?
Pour toujours, la matrice universelle est refermée
Vingt-sept mois, qu'est ce donc ?
O mon préfet, pour toujours, vous m'a quitté,
Vingt ans mois, temps du grand deuil se sont écoulés mais son coeur ne peut oublier!
La poétesse ni souvent moqueuse votre cruelle révèle ici toute sa tendresse.
Mais si ce premier marriage fut heureuse le second avec le chef de canton, ne semble pas l'avoir comblée ainsi qu'en témoigne le poème sur la mort de celui-ci.
Le ton en est détacché et parfois d'une ironie qui fro^le la grivoiserie :
Hélas! mon pauvre époux, mon pauvre époux hélas !
Notre union n'a duré que ce temps
Le tétard n'a-t-il pas déjà persu sa queue
Dix mille pièces d'or ne peuvent au crapaud rendre ses marques
à la chaux ! *
Veuve Hồ xuân Hương fut courtisée par de nombreux lettrés.
Que fut pour cette Chiêu Hổ que la légende associe à Hồ xuân Hương ? Quel genre d'association ? Littéraire ou plus intime ?
Né dans une famille de lettres et de madarins, il est réputé dès sa jeunesse pour son amour des lettres et son grand savoir.
Jeune étudiant, il y eut entre lui et la poétesse des échanges rimés ou le bachelier ferraillait ave la fille espiègle toujours désireuse de montrer son talent.
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* traduction de Maurice Durand (op.cit) avec de légère modifications. Pour comprendre et qu'un ancien dicton populaire dit :
Il vaut mieux mourir et en finir
Vivant l'on ressemble au crapaud
Marqué à la chaux
Et qui toujours revient !
Le crapaud barbouillé de chaux qui revient à la maison suggère un sens obscène.
À cette époque, les étudiants étaient sans doute un peu à l'image, toutes proportions gardées des 'escoliers' que l' on entrevoit dans Rabelais :
Crains en premier en double
En seconde des fantômes
Et en dernier les escoliers !
Tout le monde connai^t cet échange de corps d' estoc entre Chiêu Hổ et Hồ xuân Hương.
BADINAGE AVEC CHIÊU HỔ
Le mai^tre est-il déprisé le mai^tre est-il troublé par l' alcool ?
Pourquoi taquiner ainsi la lune en plein jour ?
Tiens, tiens je vous le dis, que vous le sachiez bien
En ces antré de tigre là, saurtout ne metter pas la main.
RÉPLIQUE DE CHIÊU HỔ
Tiens que je sois dégrisé, tiens que sois troublé par l' alcool
Oui, j'aime à taquiner la lune en plein jour
En cet autre du tigre, à supposer que nul n' aille y plonger
les doigts
Pouquoi sentir un petit tigre glisser soudain dans votre main ? *
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* traduction de Maurice Durand avec de très légère modifications.
(op.cit)
La voyageuse
Outre la poésie, la poétesse avait une autre passion les paysages.
Femme libre sans mari, sans enfant, amoureuse aux promenades.
Elle marchait beaucoup à une époque où les lettrés pluto^t casaniers se prélassaient sur le lit de camp ou se faisait porter en palaquin.
" Elle voyageait comme un homme dans une société où la femme e^tre recluse".
" Cavalière, garconne, dirai-je, elle se moquait des fils de mandarins peu cultivés et que voulaient parai^tre, elle était elle-me^me curieuse de tout et de tous ..."
Et Xuân Diệu amoureux de Hồ xuân Hương comme beaucoup de poètes vietnamiens, renverse un peu la tête pour raconter une autre anecdote sur elle.
Un jour, il peuvait. Le chemin était glissant, Hồ xuân Hương tombe. Elle s'était de tout son long, bras levés derrière la tête jambes écartées . Les gracons rient.
Aussito^t, elle improvise un distique :
Je lève mes bras pour mesurer l' immense du ciel
J' écarte mes jambes pour savoir celle de la terre.
Un peu grandiloquents ces vers ! mais on les aurait ainsi à l' époque . De toute facon, elle avait, à la moquerie répondu par l' esprit.
- Quelle âge avait-elle?
- Je ne sais pas. De tout facon, c' etait d' un adolescent.
Et Xuân Diệu sourit en fermant comme toujours un peu les yeux.
Une femme en avance sur son temps
Hồ xuân Hương née dans une monde confucéen pétri d'injustice et d' hypocrisie s'est insurgée contre les règles et les interdits.
Elle, une femme, a eu cette audacé à une époque où nombre de lettrés 'bien pensants' , évitant par prudence de prendre parti, préféraient parfois rechercher la solitude pour
s' adonner à la contemplation de la nature et de la méditation dans la douce ivresse de
l' alcool.
Elle vit dans cette période troublée de XVIIIe siècle ou la dynastie des Lê postérieurs est en pleine décadence. Période marquée de guerres incessantes ou la misère pousse les masses paysantes à la révolte, où la pléthore mandarinale accroit les difficultée d' une bureaucratie tentaculaire.
ELLE TOURNE EN DÉRISON LES CUISTRES
Les joutes littéraires sont pas pour Hồ xuân Hương de vains exercices de rhétorique. En ces temps, les lettres, source de prestige social, sont l'apanage de l' homme qui seul peut se présenter aux concours triennaux pour devenir mandarin. Un ancien dicton classe les catégories sociales selon l' ordre de préséance : lettré, paysan, artisan, commercant, Féministe avant la lettre, Hồ xuân Hương a tenu à battre 'messieurs les lettres' avec leurs propres armes.
Avec quelle ironie ne le moque-t-elle pas de ce qui gribouillent les murs des temples dans l' espoir d' être lu ou peur-être de s' immartaliser par quelques vers de circons-
tances.
Il parai^t d' un jour, passant dans la province de Ninh bình, elle est devant la pagode
Dịch Long des lettrés en train de calligraphier un quatrain. Aussito^t elle est convie à une passe poétique: 'd' uông'. Nos pédants aussito^t de se déclarer forfaits. Et Hồ xuân Hương de clamer les vers suivants :
Une bande de bagayeuse debout contemplait une cloche
Et se disaient les uns les autres. Ma foi c' est là une cloche *
( Jeu de mots : Chuông prononce uông par des bègues.)
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* tiré de Maurice Durand(op.cit) avec de légères modifications.
Une anecdote du même genre est souvent racontée.
Hồ xuân Hương étant venue de la pagode, vit sur les murs tout blanc de chaux, des vers pluto^t mauvais. Elle compose aussito^t un quatrain en réponse :
Ils se sont amenés en bande à la pagode
Ils ne savent parler mais ne résistent pas à construire une phrase
Que ceux qui les verrons disent à ces incapables
Si vous voulez survivre, alors au lait de chaux
Redonnez à ces murs aissito^t leur blancheur.
Y-a-t-il dns l' utilisation de la chaux un signe d' excorcisme ou simplement une simple ironie ?
Hồ xuân Hương n'est pas troublé avec ces choses à ces 'bons à rien' qui se croient quelque chose :
Où, vont-ils donc ces niais ?
Venez, que votre soeur vous apprenne à faire des vers
Ce sont des abeilles novices qui sentent à leur dard quelques
démangeaisons
Et s' en sont piquer une fleur fanée...
Comment ne pas évoquer devant l' ironie de Hồ xuân Hương le monde populaire de ces trois rumeurs * improvisant des vers sur le Crapaud. Vers dont le ridicule n' égale que la fatuité de ce qui ont faits.
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* d'une'poésie sur le Crapaud'. ( Anthologie de la littéraure populaire du Vietnam.
( page 155 -- Hữu Ngọc & Francoise Corrèze/ Harmattan, Paris 1982.)
ET LES BONZES
Du bonze en principe voué à l'ascèse elle trace une effarante caricture:
... Un cra^ne tout ras, des habits non ourlés
Devant lui des pains de riz gluant, offrande des fidèles,
Derrière, six, sept dames, bonzesses effarouchées.
Un coup de cymbale par-ci, un coup de gong par-là
Et la prière s'écrie, se trai^ne, s' allonge
A force d' acèse, peut-être sera-t-il vénérable.
On le verre dodeliner sur le trône aux lotus.
Le Bouddha 'sur la trône aux lotus' n' est me^me pas épargné Hồ xuân Hương s'en donne à coeur joie avec 'Le bonze licencieuse' :
Toute une vie d' ascèse, lourde comme un bloc de pierre
Et voila2, il suffit d'un rien, d' un petit rien !
La barque de la compassion llait atteindre aux rives de l' Est *
Si un vent contraire n' aurait brouillé voiles et cordages **
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* paradis bouddhique. La compassion cardinale
** jeu de mots introduisible:'lộn lèo' en inversion,désigne
acte sexuelle.
Hồ xuân Hương rejoint par sa verve cinglante le bon sens des 'ca dao', ces chansons
populaires où la sagesse et le malice paysannes se donnent libre cours :
Le bonze est en prière ' nam mô'
Passe une belle panie en main
Qui peut va à la pêche aux crabes
Le coeur du bronze
S' emplit de rêves
Il laisse là le Livre Sainte
Et court après la demoiselle
Par quel chemin est-elle passée?
Et notre bonze va
Et notre bonze vient
En égrenant son chapelet *
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* Cf. Anthologie de la littérature populaire du Vietnam.(op.cit)
Apocate de la concubine et de la fille-mère
Hồ xuân Hương nie la supériorité masculine consacrée par l' éthique confucéenne. Elle se plaint du sort réservé aux femmes déhéritées.
Voix solitaire, presque dans la litérature féodale, elle s' élève avec amertume contre le concubinage:
Partages un mari avec une autre, p. de sort !
L'une dort sous des couvertures bien ouatées, l'autre gèle
Au hazard, il va échoir une rencontre
Une ou deux fois par mois, trois fois rien.
On s'accroche pour arracher une bolée, et le riz est mal cuit.
On sert comme une servante, sauf qu'on n'est pas payée.
Ah ! Si j'avais su qu'il en était ainsi
Je me serais résigné à rester seule comme autrefois.
Comment ne pas évoqué en lisant ce texte ce 'ca dao' qui en est comme la réplique :
Quel malheur d'être oncubines !
Repiquage
Labour
Et la nuit
Sans mari
Tout seule
Sans mari
Sans natte
Avec le froid qui mord
- 'Hé!' la seconde
Crie l' ai^née
Dès que point l'aube
Cuis le son
Coupe les patates
Hache aussi les lentilles d'eau'
O mon père et ma mère
Suis-je ainsi condamnée
Jour aprè2s jour
Par notre pauvreté *
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* Anthologie de la littérature du Vietnam. (op.cit)
Hồ xuân Hương prend également la défense des filles-mères alors que la société de l' époque réprouvait toute union illégale et qualifait une grossesse non légitimée et 'grossesse criminelle'. ( la fille-mère est aussi la femme adultère, -- était soumise à des châtiments barbares). Ironique et douloureuse est sa plaidoierie :
Un moment de complaisance et me voici de beaux draps !
O mon aimé, ressent- tu toute ma peine ?
Le Ciel n' a pas fait surgir le signe du destin
Que déjà un trait vient barrer le tronc du saule *
Pour cent années, la faute, tu la supporteras
J' accepte, moi, de porter le fruit de notre amour
Les gens peuvent médire, peu nous supporte,
Avisé ou pas, on n' en est pas moins habile. **
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* jeu de calligraphie. L'idéogramme'Thiền'(Ciel), si on fait saillir le trait oblique de gauche au-dessus du trait horizontal devient'phu'( mari. L'idéogramme'Liễu' dont l'homononyme veut dire saule, le saule pleureux étant le symbole de la femme frêle et fragile, si on ajoute un trait transversal devient tu: 'enfant'. Les 2 vers signifient le ciel ne m'a pas encore donné un mari que déjà je porte un enfant.
** allusion au proverbe: Être enceinte sans mari, c'est pas banal. Avoir un mari et porter un enfant, rien extraordinaire.
L'auteur prononce un verdict sans équivoque: la responsibilité de la 'faute' qui va marquer toute la vie de la femme revient à l' homme.
[]
(à suivre)
hữu ngọc & francoise corrèze
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