par hữu ngọc & francoise correze
hanoi 1984 - 3
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HỮU NGỌC
& FRANCOISE CORREZE
hồ xuân hương
ou le voile déchiré
FLEUVE ROUGE
Hanoi 1984
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Le droit de la femme à l'amour charnel
Banni par le confuceéne le nu est absent de l'art vietnamien ancien. Exception faite d'un certain nombre de sculptures sur bois populaire qui peuplent la prénombre des maisons communales de village. Seule dans toute la littérature classique Nguyễn Du s' osé chanter une jeune femme au bain dans le trois vers :
Kiều, dans un bain d'orchidées, trempe son corps, fleur printanière
Pureté de jade, blancheur d'ivoire
Modelé impeccable, chef- d'oeuvre des dieux
KIỀU *
-----
* traduction de Nguyễn khắc Viện.
Hồ xuân Hương elle n' hésite pas à magnifier le corps féminin dans le poème de la
'La jeune fille assoupie en plein jour ' *
-----
* selon l'éthique féodale il ne sied pas aux femmes de faire la sieste parce que dormir en plein jour est preuve de paresse.
Prémissement de la brise d'été
A peine allongée, la jeune fille s'assoupit
La peigne, de ses cheveux, a glissé
Le cache-seins rouge s'en défait
Pas de rosée sur les deux collines du Pays des Fées
La source aux fleurs de Pécher * ne jaillit pas encore
L'homme de bien, hésistant, ne peut en détacher sa vue
Partir lui est pénible, mais inconvenant de rester **
-----
* pays des Immortelles.
** traduction de H.H. -- F.C.
Hồ xuân Hương ose, seule dans la nuit féodale, aborder les droits se son sexe et parler sans honte de l'amour charnel.
Elle échappe u censeur formel par une habileté peu commune précédant par allusions et métaphores. L'érotisme constitue souvent la trame d'une description anodine de paysages et d'objets familiers. Ainsi fait-elle passer les choses les plus crues.
La poésie classique vietnamienne repose sur une langue à tonalités très musicales, elle est faite de correspondances ténues d'images et de sons ainsi que d'un certain effet incantatoire du parrallélisme et du rythme. Le lecteur d' Hồ xuân Hương parfois se laisse tellement imprégner par l'amostphère poétique que l'allusion érotique s'atténue.
La traduction en francais ou dans toute autre langue analytique constitue une véritable trahison : le lecteur ne pense qu'au côté obscene il y a ( Honni soit ...)
Et en oublie de gou^ter au charme et au pittoresque de la partition .
Les paysages a prétend admirablement au jeu du double sens :
LE COL DE BA DỌI *
Un col, un col, encore un col,
Loué soit celui qui cisela ce paysage suspendu !
Le portique s'ouvre rouge vermeil, avec un fait bien touffu
Un rocher gi^t là, vert foncé, tout couvert de mousse
La branche de pin tremble sous la rafale de vent,
La rosée perle sur les feuilles de saule toutes mouillées
Sages, gens de veru, personne ne veut renoncer
Pieds fourbus, genoux rompus, tous veulent toujours grimper.
-----
* ou Tam Điệp -- Col à trois montées, entre provinces de Ninh bình et Thanh hóa.
LA CROTTE DE CẮC CỚ *
Ciel et terre ont fiat nai^tre de rocher,
Une fente le divise en deux, noire et profonde,
La mousse couvre ses bords et l'ouverture se fait béante
Des pins que secoue le vent battent la mesure,
L'eau bien frai^che perle goutte à goutte en clapotant,
Et le chemin pour y pénétrer se perd dans le noir,
Loué soit le sculpteur qui l'a taillé avec talent,
Maintes gens lorgnent après cette fente grand ouverte.**
-----
* dans le montagne de Sài-sơn (province de
Sơn tây)
** traduction de Maurice Durand.
Ces deux delicates 'encre de Chine' dessinent sans doute en filigrane les parties sexuelles de la femme.
Et voici 'Le Montagne du Mari et de la Femme' :
Quel amusant spectale le Créateur nous offre là
On avait le mari, il ajoute la femme
En haut l'homme au crâne blanchi sur la neige
En bas la femme au joues humectées de rosée
Son affection, aux rayons de la lune, il la lui prouve
Son amour, aux monts et aux eaux, elle le clame
Rochers qui connaissez depuis longtemps : l'amour
Laissez-nous profiter de nos jeunes années *
'Selon la tradition, Hồ xuân Hương aurait composé cette poésie au cours d'un voyage dans le [province de]Tuyên quang. Sur sa route elle aurait rencontre deux rochers couchés à plat l'un sur l'autre, celui de dessus ressemblant à un homme et celui de dessous à une femme. Les commercants qui passaient par là appelaient ces rochers : 'Le mari et la Femme'.**
----
* & ** traduction de Maurice Durand.
Les descriptions d'objets les plus connus tels que la balancoire, l'e1ventail, le gâteau ' trôi ' relèvent non moins de l'imspiration érotique.
LA BALANCOIRE
Bravo pour qui a si habilement planté les quatres piliers 1
Les unes montent se balancer, les autres regardent
Le garcon arquant ces genous de grue, bande, bande ses reins
La fille, cambrant son dos de gue^pe, tend, tend son bassin
Quatre pans de pantalons roses claquent au vent
Deux paires de jambes s'étirent deux à deux
Ceux qui pratiquent ces jeux printaniers les conaissent-ils vraiment?
Les poteaus retirée, les troux restent à l'abandon .*
-----
* traduction de Maurice Durand avec quelques modifications.
L'ÉVENTAIL *
Dix-sept, dix-huit, quel est le nombre ? **
On ne sait, mais on l'aime, et ne s'en sépare pas
On l'aime quand, dans sa minceur, il s'évase en triangle
On l'aime tout ramasse avec le tenon qui l'enfile
Plus il fait chaud, plus on aime sa frai^cheux,
On ne s'en lasse pas la nuit, on l'aime encore de jour
La colle du kaki lui fait des joues bien roses
Roi et seigneurs ne chérissent que se machin-là.
-----
* traduction de Maurice Durand avec quelques modifications.
** dix-sept dix-huit lattes de bambou liées à un bout
par un tenon. Pourrait auusi désigner l'a^ge de la
jeune fille.
LES GÂTEAUX TRÔI *
Un corps tout blanc, ma condiion est d'e^tre ronds
Maintes fois, je flotte ou sombre avec les eaux
La main qui m'a pétrie me fait dure ou molle
Mais je garde toujours un coeur vermeil.
Plus vivante encore est la scène du 'tissage de nuit'
La lampe allumée à quelle blancheur !
Le bec de cigogne, la nuit durant, ne cesse de gigoter
Les pieds appuient, se rela^chent, bien allègrement
La navette enfile la traine, s'en donne à coeur joie
Large, étroit, petit, gros, tous les formats trouvent à s'ajuster.
Courtes ou longues, les pièces de toutes dimensions se valent
Ceux qui veut bien faire laisse tremper longuement,
Elle attend trois automnes avec d'en dévoiler la couleur. **
-----
* formés d'un noyau du sucre enrobé das la Pa^te et qu'on sert dans un bol d'eau sucrée.
** traduction de Maurice Durand avec quelques modifications.
Comment expliquer 'la phénomène Hồ xuân Hương', comment expliquer cette explosion d'une femme du XVIIIe siècle osant traiter de thèmes tabou dans l'ancienne poésie extre^me orientale ?
La réponse qui vient aussito^t à l'esprit est fournie par la psychanalyse freudienne. Plus d'un critique en effet voit en Hồ xuân Hương une refoulée sexuelle, laide mais fougueuse. Typique à cet égard est l'attitude de Nguyễn văn Hạnh dans ' Hồ xuân hương: tác phẩm, thân thế và văn tài' (Hồ xuân Hương, oeuvre, vie et talent/ Saigon 1937, Imprimerie Aspar.) Trương Tửu, la baptise 'génie de la luxure'. * Si Maurice Durand écrit qu' elle était obsédee par le désir sexuel comme par une véritable maladie' **,
il se hâte quelques pages plus loin d'apporter un correctif à ce jugement hâtif :
' Nulle part dans son oeuvre l'on ne note des traces morbides caractéristiques de la malade qu'est le refoulement. Au contraire, sa poésie respire une assurance, un enjouement, un équilibre des sens et du jugement, très éloignés des réactions qu'on peut attendre d'un malade.' ***
-----
* Kinh thi Việtnam.(Hàn Thuyên, Hanoi 1940.)
** & *** Op.cit.
Sans doute, peut-on reconnai^tre un certain refoulement naturel à une concubine, une veuve, une femme soumise come toutes ses soeurs à l'implacable carcan confucéen.
Mais n'oublions pas non plus l'impact du milieu social dans lequel elle vivait : une époque troublée, des guerres continuelles d'où le relâchement des moeurs, l'éclatement des cadres rigides de la morale féodale, la soif de jouissance, la course aux plaisirs. Si Hồ xuân Hương détonne dans la littérature savante, elle n'a pas une voix isolée dans la littérature populaire où la critique sociale et érotisme fournissent matière à de nombreux contes, fables et ca dao.
La verve licencieuse de Hồ xuân Hương provient sans doutr aussi de ces conditions de vie et son propre tempérament.
Esprit d'indépendance, caractère passionée, elle ne sent pas inférieure à l'homme et revendique la libération de la femme, y conpris sa libération sexuelle. Mais pourquoi se limiter à l'obession sexuelle et ne pas voir dans son inspiration aussi la colère d'une femme supérieusement douée contre l'injustice de la société et du sort?
En tout cas, elle mérite l'hommage qu'Henry Miller rend deux siècles plus tard à une femme écrivain du XXe siècle:
' La tentation est de dire elle écrit comme un homme, Mais non, si elle écrit comme quelqu'un, c'est comme une femme 100% femme. Sur bien des points, elle est plus directe, plus franche que beaucoup d'auteurs masculins. Car ici une jeune libérée qui dit son besoin d'homme, ... sujet sur lequel, on n'entend pas assez de sons de cloche féminins...'
(PRÉFACE D'HENRY MILLER POUR LE COMLlEXE D'ICARE DE ERICA JONG -- version francaise -- Robert Laffont, 1978.)
Elle est essentiellemrnt féminine
Femme,Hồ xuân Hương l'est non seulement dans la lutte contre les interdits, les tabous, les injustices qu'elle re1cuse mias elle l'est encore par son extre^me sensiblilité.
Orpheline très tôt, concubine malgré son intelligence et ses talents littéraires veuve sans enfants, elle a lutté, mais elle a souvent souffert de sa solitude. Souffrance que dissimulent l'ironie et ce rire espiègle que certains ont pu pendre pour sa nature profonde alors qu'il n'est sans doute qu'une attitude permettant de mieux faire passer la critique.
Xuân Diệu nous cite trois poèmes qui laissent entrevoir cette solitude et comme la nostalgie de bonheur refuse.
Le premier de la rebellion de la femme contre sa condition qui la condamne à la passivité.
Que celuiu qui tient le gouvernail
Ait ou non le bon plaisir d'acoster
Mais que celle qui hisse la voile
Puisse naviguer librement *
-----
* On compose souvent in destinée de la femme à une barque à la dérive. Une chanson populaire ne dit- elle pas:"Femme sans mari, barque sans gouvernail".
Dans un second poème, Hồ xuân Hương laisse percer sa lassitude et sa tristesse :
Dans la profondeur la nuit, le tamnour des veilleurs résonne
Quelques mousse a voilé la surface du sol
Déchirent les nuages
J'en ai assez d'attendre le printemps parti
Et les bribes l'amour qui me sont actroyées.
Le troisìème pòème est sans doute le plus beau et le plus significatif :
L'appel bruyant des coqs m' arrive de très loin
La rancune est en moi, et mon regard se perd au fond du paysage
Je n'agite pas la crécelle de ma tristesse et pourtant elle résonne
Ni la cloche de mon chagrin. Alors pourquoi sonne-t-elle donc si fort?
Leur bruit ne font qu' accentuer ma peine
Maudit soit le destin qui m' abandonne ainsi
Hommes de bien et vous lettrés, où êtes- vous ?
Faut- il croire que déjà la veillesse m' atteint ?
On saisit mieux dans trois textes "extre^me féministe" de Hồ xuân Hương et cette sensibilité rare le caractère. Mieux qu'aucun autre poète elle a traduit à l'état pur ses sensations les plus secrètes et mes sentiments les plus intimes.
Magicienne du verbe
Rarement poète n'eut plus de mai^trise du langue, Si elle conserve ta forme savante, c'est pour y couler la langue nationale qui réponse à son âme.
Hồ xuân Hương écrit en nôm * à une époque d'ailleurs où le nôm était aussi difficile à transcrire que le chinois mais qui avait l'immense avantage de véhiculer la litte1rature du peuple.
-----
* le critique Trần thanh Mại soulève un problème:" Hờ xuân Hương ne faisait-elle pas de poèmes en chinois classique?" -
(NGHIÊN CỨU VĂN HỌC NO 3- 1964.)
Nous avons vu plus haut que son inspiration satirique et érotique la rattache à la tradition populaire qui se traduit dans les contes égrillards, les ca dao et les proverbes.
Mais la facture de ses vers reste classique.
Alors que la poésie populaire s'exprime très souvent dans les vers 6-8. Hồ xuân Hương conserve la structure Tang des huitains ou des quatrains forméede vers de sept pieds. *
-----
* 'A la poésie classique chinoise de la période Tang, la poésie vietnamienne a emprunté particulièrement le poème de huit vers de sept syllabes chacun avec des règles multiples et rigoureuses quant à l'alternance des tons, des rimes, à l'opposition symétrique des quatre vers de milieu. deux par deux, mot par mot, ton par ton. C'est essentiellement une poésie de culture, montée par des lettrés, d'une concision extre^me, qui tient moins à exprimer des émotions personnelles que des pensées générales, des sentiments déjà dé-
cantés, communs à tous ."
(NGUYỄN KHẮC VIỆN - Préface de l'Anthologie de la Poésie Vietnamiene- Col. UNESCO- Gallinard, 1961).
À l'intérieur de cet ensemble, les 3e et les 4e ainsi que les 5e et les 6e de vers sont
'parallèles'.
Ce parallélisme ou pluto^t cette symétrie se montre dans la forme : un nom correspond à un nom, un adjectif à un adjectif, un adverbe à un adverbe... comme on le voit dans les sentences parallèle. Parallélisme, également dans le contenu : couleur, forme, ton etc ... Ce parallélisme peut tomber facilement dans l'artificiel, chez un vrai poète, il produit toujours un effet incantatoire.
Magicieuse du verbe -- Hồ xuân Hương l'est par le choix des mots. Ils ont pour elle une couleur, une forme. Elle est à la fois peintre et sculpteur mais elle ne traduit jamais rien d'une facon statique.
Elle sait admirablement utiliser l'onomatopée qui rend le son régulier de la goutte tombant dans la grotte la bourrasque secouant les branches du pin...
Elle dépasse me^me ce que l'onomatopée à d'imitatif pour atteindre au rythme lui-me^me.
Si la forme est savante, le language st si pur, si simple que les petites gens, me^me illettrés, peuvent le comprendre.
Hồ xuân Hương est la 'Reine du Nôm' * de la littérature en langue maternelle. On trouve rarement d'ailleurs dans son oeuvre des illusions littéraires chinoises, des rappels mythologiques. Ses poèmes sont émaillés par contre de ca dao de dictons populaires sortis de la terre me^me du Vietnam.
----
* titre d'une étude de Xuân Diệu.
L'art de Hồ xuân Hương symbole l'amalgame des deux courants poétiques qui se sont formés au coeur des siècles, la poésie populaire et la poésie savante -- tout comme chez l'immortel poète du Kiều Nguyễn Du. ( 1768- 1820).
***
La grande voix de Hồ xuân Hương sarcastique et frémissante, enthouisaste et tendre, ne se taira jamais.
Pour tous les Vietnamiens, femmes et hommes, Hồ xuân Hương est plus qu'un poète. Elle est un symbole d'indépendance d'esprit et de coeur, de courage et de lutte contre l'hypocrisie, la contrainte, les interdits et les tabous sociaux. Personne n'a eu plus qu'elle le sens de la justice de la plénitude de l'amour et la conscience de la dignité de la femme.
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HỮU NGỌC & FRANCOISE CORREZE.
La poésie classique vietnamienne repose sur une langue à tonalités très musicales, elle est faite de correspondances ténues d'images et de sons ainsi que d'un certain effet incantatoire du parrallélisme et du rythme. Le lecteur d' Hồ xuân Hương parfois se laisse tellement imprégner par l'amostphère poétique que l'allusion érotique s'atténue.
La traduction en francais ou dans toute autre langue analytique constitue une véritable trahison : le lecteur ne pense qu'au côté obscene il y a ( Honni soit ...)
Et en oublie de gou^ter au charme et au pittoresque de la partition .
Les paysages a prétend admirablement au jeu du double sens :
LE COL DE BA DỌI *
Un col, un col, encore un col,
Loué soit celui qui cisela ce paysage suspendu !
Le portique s'ouvre rouge vermeil, avec un fait bien touffu
Un rocher gi^t là, vert foncé, tout couvert de mousse
La branche de pin tremble sous la rafale de vent,
La rosée perle sur les feuilles de saule toutes mouillées
Sages, gens de veru, personne ne veut renoncer
Pieds fourbus, genoux rompus, tous veulent toujours grimper.
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* ou Tam Điệp -- Col à trois montées, entre provinces de Ninh bình et Thanh hóa.
LA CROTTE DE CẮC CỚ *
Ciel et terre ont fiat nai^tre de rocher,
Une fente le divise en deux, noire et profonde,
La mousse couvre ses bords et l'ouverture se fait béante
Des pins que secoue le vent battent la mesure,
L'eau bien frai^che perle goutte à goutte en clapotant,
Et le chemin pour y pénétrer se perd dans le noir,
Loué soit le sculpteur qui l'a taillé avec talent,
Maintes gens lorgnent après cette fente grand ouverte.**
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* dans le montagne de Sài-sơn (province de
Sơn tây)
** traduction de Maurice Durand.
Ces deux delicates 'encre de Chine' dessinent sans doute en filigrane les parties sexuelles de la femme.
Et voici 'Le Montagne du Mari et de la Femme' :
Quel amusant spectale le Créateur nous offre là
On avait le mari, il ajoute la femme
En haut l'homme au crâne blanchi sur la neige
En bas la femme au joues humectées de rosée
Son affection, aux rayons de la lune, il la lui prouve
Son amour, aux monts et aux eaux, elle le clame
Rochers qui connaissez depuis longtemps : l'amour
Laissez-nous profiter de nos jeunes années *
'Selon la tradition, Hồ xuân Hương aurait composé cette poésie au cours d'un voyage dans le [province de]Tuyên quang. Sur sa route elle aurait rencontre deux rochers couchés à plat l'un sur l'autre, celui de dessus ressemblant à un homme et celui de dessous à une femme. Les commercants qui passaient par là appelaient ces rochers : 'Le mari et la Femme'.**
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* & ** traduction de Maurice Durand.
Les descriptions d'objets les plus connus tels que la balancoire, l'e1ventail, le gâteau ' trôi ' relèvent non moins de l'imspiration érotique.
LA BALANCOIRE
Bravo pour qui a si habilement planté les quatres piliers 1
Les unes montent se balancer, les autres regardent
Le garcon arquant ces genous de grue, bande, bande ses reins
La fille, cambrant son dos de gue^pe, tend, tend son bassin
Quatre pans de pantalons roses claquent au vent
Deux paires de jambes s'étirent deux à deux
Ceux qui pratiquent ces jeux printaniers les conaissent-ils vraiment?
Les poteaus retirée, les troux restent à l'abandon .*
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* traduction de Maurice Durand avec quelques modifications.
L'ÉVENTAIL *
Dix-sept, dix-huit, quel est le nombre ? **
On ne sait, mais on l'aime, et ne s'en sépare pas
On l'aime quand, dans sa minceur, il s'évase en triangle
On l'aime tout ramasse avec le tenon qui l'enfile
Plus il fait chaud, plus on aime sa frai^cheux,
On ne s'en lasse pas la nuit, on l'aime encore de jour
La colle du kaki lui fait des joues bien roses
Roi et seigneurs ne chérissent que se machin-là.
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* traduction de Maurice Durand avec quelques modifications.
** dix-sept dix-huit lattes de bambou liées à un bout
par un tenon. Pourrait auusi désigner l'a^ge de la
jeune fille.
LES GÂTEAUX TRÔI *
Un corps tout blanc, ma condiion est d'e^tre ronds
Maintes fois, je flotte ou sombre avec les eaux
La main qui m'a pétrie me fait dure ou molle
Mais je garde toujours un coeur vermeil.
Plus vivante encore est la scène du 'tissage de nuit'
La lampe allumée à quelle blancheur !
Le bec de cigogne, la nuit durant, ne cesse de gigoter
Les pieds appuient, se rela^chent, bien allègrement
La navette enfile la traine, s'en donne à coeur joie
Large, étroit, petit, gros, tous les formats trouvent à s'ajuster.
Courtes ou longues, les pièces de toutes dimensions se valent
Ceux qui veut bien faire laisse tremper longuement,
Elle attend trois automnes avec d'en dévoiler la couleur. **
-----
* formés d'un noyau du sucre enrobé das la Pa^te et qu'on sert dans un bol d'eau sucrée.
** traduction de Maurice Durand avec quelques modifications.
Comment expliquer 'la phénomène Hồ xuân Hương', comment expliquer cette explosion d'une femme du XVIIIe siècle osant traiter de thèmes tabou dans l'ancienne poésie extre^me orientale ?
La réponse qui vient aussito^t à l'esprit est fournie par la psychanalyse freudienne. Plus d'un critique en effet voit en Hồ xuân Hương une refoulée sexuelle, laide mais fougueuse. Typique à cet égard est l'attitude de Nguyễn văn Hạnh dans ' Hồ xuân hương: tác phẩm, thân thế và văn tài' (Hồ xuân Hương, oeuvre, vie et talent/ Saigon 1937, Imprimerie Aspar.) Trương Tửu, la baptise 'génie de la luxure'. * Si Maurice Durand écrit qu' elle était obsédee par le désir sexuel comme par une véritable maladie' **,
il se hâte quelques pages plus loin d'apporter un correctif à ce jugement hâtif :
' Nulle part dans son oeuvre l'on ne note des traces morbides caractéristiques de la malade qu'est le refoulement. Au contraire, sa poésie respire une assurance, un enjouement, un équilibre des sens et du jugement, très éloignés des réactions qu'on peut attendre d'un malade.' ***
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* Kinh thi Việtnam.(Hàn Thuyên, Hanoi 1940.)
** & *** Op.cit.
Sans doute, peut-on reconnai^tre un certain refoulement naturel à une concubine, une veuve, une femme soumise come toutes ses soeurs à l'implacable carcan confucéen.
Mais n'oublions pas non plus l'impact du milieu social dans lequel elle vivait : une époque troublée, des guerres continuelles d'où le relâchement des moeurs, l'éclatement des cadres rigides de la morale féodale, la soif de jouissance, la course aux plaisirs. Si Hồ xuân Hương détonne dans la littérature savante, elle n'a pas une voix isolée dans la littérature populaire où la critique sociale et érotisme fournissent matière à de nombreux contes, fables et ca dao.
La verve licencieuse de Hồ xuân Hương provient sans doutr aussi de ces conditions de vie et son propre tempérament.
Esprit d'indépendance, caractère passionée, elle ne sent pas inférieure à l'homme et revendique la libération de la femme, y conpris sa libération sexuelle. Mais pourquoi se limiter à l'obession sexuelle et ne pas voir dans son inspiration aussi la colère d'une femme supérieusement douée contre l'injustice de la société et du sort?
En tout cas, elle mérite l'hommage qu'Henry Miller rend deux siècles plus tard à une femme écrivain du XXe siècle:
' La tentation est de dire elle écrit comme un homme, Mais non, si elle écrit comme quelqu'un, c'est comme une femme 100% femme. Sur bien des points, elle est plus directe, plus franche que beaucoup d'auteurs masculins. Car ici une jeune libérée qui dit son besoin d'homme, ... sujet sur lequel, on n'entend pas assez de sons de cloche féminins...'
(PRÉFACE D'HENRY MILLER POUR LE COMLlEXE D'ICARE DE ERICA JONG -- version francaise -- Robert Laffont, 1978.)
Elle est essentiellemrnt féminine
Femme,Hồ xuân Hương l'est non seulement dans la lutte contre les interdits, les tabous, les injustices qu'elle re1cuse mias elle l'est encore par son extre^me sensiblilité.
Orpheline très tôt, concubine malgré son intelligence et ses talents littéraires veuve sans enfants, elle a lutté, mais elle a souvent souffert de sa solitude. Souffrance que dissimulent l'ironie et ce rire espiègle que certains ont pu pendre pour sa nature profonde alors qu'il n'est sans doute qu'une attitude permettant de mieux faire passer la critique.
Xuân Diệu nous cite trois poèmes qui laissent entrevoir cette solitude et comme la nostalgie de bonheur refuse.
Le premier de la rebellion de la femme contre sa condition qui la condamne à la passivité.
Que celuiu qui tient le gouvernail
Ait ou non le bon plaisir d'acoster
Mais que celle qui hisse la voile
Puisse naviguer librement *
-----
* On compose souvent in destinée de la femme à une barque à la dérive. Une chanson populaire ne dit- elle pas:"Femme sans mari, barque sans gouvernail".
Dans un second poème, Hồ xuân Hương laisse percer sa lassitude et sa tristesse :
Dans la profondeur la nuit, le tamnour des veilleurs résonne
Quelques mousse a voilé la surface du sol
Déchirent les nuages
J'en ai assez d'attendre le printemps parti
Et les bribes l'amour qui me sont actroyées.
Le troisìème pòème est sans doute le plus beau et le plus significatif :
L'appel bruyant des coqs m' arrive de très loin
La rancune est en moi, et mon regard se perd au fond du paysage
Je n'agite pas la crécelle de ma tristesse et pourtant elle résonne
Ni la cloche de mon chagrin. Alors pourquoi sonne-t-elle donc si fort?
Leur bruit ne font qu' accentuer ma peine
Maudit soit le destin qui m' abandonne ainsi
Hommes de bien et vous lettrés, où êtes- vous ?
Faut- il croire que déjà la veillesse m' atteint ?
On saisit mieux dans trois textes "extre^me féministe" de Hồ xuân Hương et cette sensibilité rare le caractère. Mieux qu'aucun autre poète elle a traduit à l'état pur ses sensations les plus secrètes et mes sentiments les plus intimes.
Magicienne du verbe
Rarement poète n'eut plus de mai^trise du langue, Si elle conserve ta forme savante, c'est pour y couler la langue nationale qui réponse à son âme.
Hồ xuân Hương écrit en nôm * à une époque d'ailleurs où le nôm était aussi difficile à transcrire que le chinois mais qui avait l'immense avantage de véhiculer la litte1rature du peuple.
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* le critique Trần thanh Mại soulève un problème:" Hờ xuân Hương ne faisait-elle pas de poèmes en chinois classique?" -
(NGHIÊN CỨU VĂN HỌC NO 3- 1964.)
Nous avons vu plus haut que son inspiration satirique et érotique la rattache à la tradition populaire qui se traduit dans les contes égrillards, les ca dao et les proverbes.
Mais la facture de ses vers reste classique.
Alors que la poésie populaire s'exprime très souvent dans les vers 6-8. Hồ xuân Hương conserve la structure Tang des huitains ou des quatrains forméede vers de sept pieds. *
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* 'A la poésie classique chinoise de la période Tang, la poésie vietnamienne a emprunté particulièrement le poème de huit vers de sept syllabes chacun avec des règles multiples et rigoureuses quant à l'alternance des tons, des rimes, à l'opposition symétrique des quatre vers de milieu. deux par deux, mot par mot, ton par ton. C'est essentiellement une poésie de culture, montée par des lettrés, d'une concision extre^me, qui tient moins à exprimer des émotions personnelles que des pensées générales, des sentiments déjà dé-
cantés, communs à tous ."
(NGUYỄN KHẮC VIỆN - Préface de l'Anthologie de la Poésie Vietnamiene- Col. UNESCO- Gallinard, 1961).
À l'intérieur de cet ensemble, les 3e et les 4e ainsi que les 5e et les 6e de vers sont
'parallèles'.
Ce parallélisme ou pluto^t cette symétrie se montre dans la forme : un nom correspond à un nom, un adjectif à un adjectif, un adverbe à un adverbe... comme on le voit dans les sentences parallèle. Parallélisme, également dans le contenu : couleur, forme, ton etc ... Ce parallélisme peut tomber facilement dans l'artificiel, chez un vrai poète, il produit toujours un effet incantatoire.
Magicieuse du verbe -- Hồ xuân Hương l'est par le choix des mots. Ils ont pour elle une couleur, une forme. Elle est à la fois peintre et sculpteur mais elle ne traduit jamais rien d'une facon statique.
Elle sait admirablement utiliser l'onomatopée qui rend le son régulier de la goutte tombant dans la grotte la bourrasque secouant les branches du pin...
Elle dépasse me^me ce que l'onomatopée à d'imitatif pour atteindre au rythme lui-me^me.
Si la forme est savante, le language st si pur, si simple que les petites gens, me^me illettrés, peuvent le comprendre.
Hồ xuân Hương est la 'Reine du Nôm' * de la littérature en langue maternelle. On trouve rarement d'ailleurs dans son oeuvre des illusions littéraires chinoises, des rappels mythologiques. Ses poèmes sont émaillés par contre de ca dao de dictons populaires sortis de la terre me^me du Vietnam.
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* titre d'une étude de Xuân Diệu.
L'art de Hồ xuân Hương symbole l'amalgame des deux courants poétiques qui se sont formés au coeur des siècles, la poésie populaire et la poésie savante -- tout comme chez l'immortel poète du Kiều Nguyễn Du. ( 1768- 1820).
***
La grande voix de Hồ xuân Hương sarcastique et frémissante, enthouisaste et tendre, ne se taira jamais.
Pour tous les Vietnamiens, femmes et hommes, Hồ xuân Hương est plus qu'un poète. Elle est un symbole d'indépendance d'esprit et de coeur, de courage et de lutte contre l'hypocrisie, la contrainte, les interdits et les tabous sociaux. Personne n'a eu plus qu'elle le sens de la justice de la plénitude de l'amour et la conscience de la dignité de la femme.
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HỮU NGỌC & FRANCOISE CORREZE.
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